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Ou sa douleur avait-elle une autre cause ?

Marthe était seule, et nulle oreille amie ne s’ouvrait pour recevoir sa confidence. Sa pensée restait un secret entre elle et Dieu.

Quand le son de la pendule du salon arriva jusqu’à son oreille, à travers les murailles épaisses, sa tête, qui se renversait au dossier de son fauteuil, se pencha en avant, comme pour écouter.

Elle compta jusqu’à neuf : puis ses mains se croisèrent froides et blanches sur sa robe de deuil.

— Neuf heures !… murmura-t-elle d’une voix brève et altérée ; la dernière fois qu’elles chantèrent, l’heure sonna pendant le second couplet… Je m’en souviens, c’était neuf heures !

Elle s’arrêta comme si son esprit eût écouté en songe une lointaine mélodie.

Puis deux larmes brillèrent dans ses yeux, jusqu’alors secs et brûlants.

Elle se prit à dire lentement, et comme si elle n’avait point eu la conscience de ses propres paroles, les derniers vers du chant des Belles-de-Nuit :

Cette brise, c’est ton haleine,
Pauvre âme en peine ;
Et l’eau qui perle sur les fleurs,
Ce sont tes pleurs…