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de force que Dieu me rend sera court, et quand je vais me taire, ce sera pour longtemps !… Je suis seul… je n’ai ni fils ni fille… Je n’aime personne en ce monde, si ce n’est vous et l’absent… depuis soixante et dix ans que dure ma vie, je suis un pauvre homme… Et pourtant j’ai amassé un petit trésor qui est enfoui au pied du grand aune qui baigne ses branches dans la rivière et auquel j’attachais mon bac, au temps où je pouvais encore passer l’eau… Écoutez bien ceci, car nulle créature humaine n’est infaillible, et peut-être mes prophéties sont-elles les rêves d’un vieil homme qui se meurt… Dieu le veuille, enfants, Dieu le veuille !…

« Sous l’aune, il y a cent pièces de six livres, enfermées dans un pot de grès… Je les ai mises là une à une, et il m’a fallu bien des années de fatigue !…

« Alors que Penhoël était heureux et riche, je comptais donner mon argent aux prêtres, après ma mort, afin qu’il fût dit des messes pour le repos de mon âme, et aussi pour les bleus que j’ai tués sur la lande pendant la guerre.

« Depuis que Penhoël est pauvre, ne m’interrompez pas, je sais ce que je dis ! ses serviteurs n’ont plus le droit de penser à eux-mêmes.

« Je me disais : Mon argent sera pour Madame,