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ries, présentent alors l’aspect d’une Arcadie fortunée. On ne voit que bergers couchés sur l’herbe et bergères filant la blonde quenouille. Il y a de longs flageolets qui valent presque des pipeaux, et, d’une rivière à l’autre, les couplets alternés de quelque rustique chanson bien souvent vont et viennent…

L’hiver, les chalands glissent où paissaient les troupeaux. C’est à peine si quelques îlots de verdure tachent à de longs intervalles la plate uniformité du grand lac, où les oiseaux d’eau, rassemblés par troupes innombrables, remplacent les bestiaux affamés.

Au lieu de cette vie sereine qui animait la vallée, c’est une solitude silencieuse et morne, au centre de laquelle, par les froides matinées, se dresse le fantôme colossal de la femme blanche[1].

La configuration même des lieux fait que ce changement se produit presque toujours avec une surprenante rapidité. Il suffit de quelques heures parfois pour transformer complétement

  1. Vapeur qui s’élève vers le milieu du marais de Glénac, au-dessus du dangereux tournant de Trémeulé. Les bonnes gens voient dans cette brume épaisse et blanche la forme d’une femme de taille colossale. Il y a dans le pays une longue légende à ce sujet, et la mort de tous les malheureux engloutis par le gouffre passe sur le compte de la femme blanche.