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Le père Géraud leva les yeux au ciel.

— Il n’a dit son secret à personne ! murmura-t-il ; mais on ne s’exile pas ainsi sans souffrir… Que Dieu le protége !

Il y eut un silence, dont Robert profita pour mettre de l’ordre dans ses batteries.

— Voyons !… reprit-il tout à coup en feignant de secouer sa prétendue mélancolie, il ne s’agit pas seulement de s’attendrir… Moi, je passerais ma journée à parler de ce cher et bon Louis !… Mais je crois qu’il vaut mieux faire ses affaires.

— S’il y a une lettre de lui à porter au manoir, dit l’aubergiste, je monte ma jument grise et je pars tout de suite…

Robert secoua la tête.

— Est-ce qu’il a écrit depuis son départ ? demanda-t-il.

Cette question, si importante pour lui, fut faite de ce ton grave qui pose les prémisses d’un argument.

— Une seule fois, répondit l’aubergiste ; et c’était une année après son départ.

— Eh bien, père Géraud, il faut supposer qu’il a eu ses raisons pour se taire si longtemps. Pourquoi écrire après quatorze ans de silence ?

— C’est juste… c’est juste, murmura le bonhomme ; et pourtant il aimait si tendrement son