Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À cet instant seulement, un observateur aurait pu deviner combien grande avait été l’anxiété de Robert. Il respira fortement. Ce fut l’affaire d’une seconde, et sa physionomie ne trahit aucune surprise.

— Un gueux ! disait cependant le bonhomme ; c’est vrai tout de même !… sans Joseph Gautier, j’aurais passé l’arme à gauche dans la rade de Brest ! Je parie que c’est Joseph Gautier ?

— Parbleu ! s’écria Robert.

Blaise éprouvait ce sentiment d’un dilettante expert qui écoute un talent de premier ordre.

— Enfin, père Géraud, continua l’Américain, mieux vaut tard que jamais !… Ce brave Joseph m’a-t-il souvent parlé de vous au moins !… Géraud ! ancien matelot.

— Artilleur de marine, puis cuisinier au long cours, rectifia le bonhomme.

— À qui le dites-vous !… s’écria Robert ; la langue m’a tourné… Mettez-vous bien dans la tête que je sais votre histoire mieux que vous-même !

— C’est égal, dit l’aubergiste ; j’aurais dû penser à Gautier tout de suite !… Mais comment va-t-il à présent ?

— À merveille… sa femme aussi.

— Sa femme !… depuis quand donc est-il marié ?