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« Il y avait, à l’extrémité la plus reculée du jardin de mon oncle, un berceau épais où Blanche aimait à se retirer durant la chaleur du jour.

« Bien souvent, je passais de longues heures à contempler sa belle rêverie à travers les branches de la charmille.

« D’instinct et sans le savoir, je m’étais dirigé vers ce berceau.

« La nuit était sombre et lourde. Quand j’arrivai au seuil de la chambre de verdure, je vis une forme blanche étendue sur le banc de gazon qui en occupait le centre… »

Le jeune matelot s’arrêta encore. Les paroles tombaient une à une et comme brisées de sa lèvre pâle.

Une chose étrange, c’est que le nabab semblait lutter avec lui d’émotion profonde. Sous le masque de bronze qui couvrait son visage, Montalt était d’une pâleur livide.

Pendant le silence qui se fit, on eût pu entendre sa respiration pénible et oppressée.

Quand Vincent reprit la parole, sa voix sourde et voilée arrivait à peine jusqu’aux oreilles de Montalt.

— Il n’y avait en moi ni raisonnement ni pensée, dit-il ; j’entrai dans le berceau ; je m’agenouillai auprès de Blanche endormie et je l’adorai silencieusement, comme on adore Dieu.