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Il y avait sur son visage, tout à l’heure si froid, une émotion extraordinaire.

— Milord !… voulut dire le capitaine.

Montalt l’interrompit encore.

— Moi, toucher le sol de la Bretagne ! reprit-il avec une exaltation croissante ; moi !… moi !… Vous ne savez donc pas ?… Je suis l’ennemi de tout ce qui porte un nom breton… Un Breton !… est-ce un homme ?… Moi qui jette l’or à pleines mains, je verrais un Breton me demander l’aumône à genoux, sans lui donner un morceau de pain !… Là !… là !… tenez… sous mes yeux !… ajouta-t-il en montrant la mer avec un geste d’une énergie terrible, je verrais un Breton périr… périr, entendez-vous ?… et je ne lui tendrais pas la main !…

Le capitaine regardait Montalt avec étonnement. Aux yeux des hommes froids, ces colères soudaines dont le motif ne se devine point sont une grande preuve de faiblesse.

Le capitaine se tourna vers le groupe des marins qui attendaient, indécis, auprès de la machine, muette maintenant et immobile.

— Bordez les voiles ! dit-il. Il y a un mois, milord, ajouta-t-il, si vous m’aviez fait l’honneur de prendre mon ancien paquebot, je vous aurais assuré de grand cœur contre toutes ces misères… mais on veut inventer toujours et faire mieux