Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/215

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jusqu’à la nuit, qui ne tardera pas à tomber… et demain nous entrerons dans la rivière de Bordeaux.

— C’est long !… dit Montalt.

— Pas trop !… surtout pour Votre Seigneurie qui a fait le tour de l’Afrique !… Mais ce n’est pas commun, milord, de trouver des gens qui s’ennuient à regarder les côtes du Finistère ! Voilà dix ans que je fais la traversée de Londres à Bordeaux deux fois par semaine, sur les anciens paquebots à voiles, et j’ai toujours vu les gentlemen s’extasier sur la beauté du paysage. Mais milord a peut-être ses raisons pour ne pas aimer la Bretagne…

Montalt se souleva sur le coude ; ses sourcils s’étaient froncés.

— La Bretagne !… répéta-t-il, la Bretagne !… Il y a des choses qu’on déteste sans les connaître… Il me tarde de ne plus voir cette côte grise et aride que ne peuvent égayer le ciel bleu et le beau soleil…

Il jeta vers le rivage un regard où il y avait une véritable haine ; puis ses yeux se tournèrent vers la haute mer.

— Tout ça dépend des goûts, murmura philosophiquement l’Anglais ; moi la Normandie, la Bretagne, la Vendée, la Guienne… ça m’est égal.