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Les Anglais appellent nababs une sorte d’aventuriers, enrichis dans l’Inde, et qui reviennent en Europe avec des fortunes, pour la plupart du temps princières, qu’ils dépensent selon les mœurs asiatiques.

Notre inconnu n’était en réalité qu’un nabab ; mais les bonnes gens de la côte l’auraient pris assurément pour le roi des enfers en personne.

C’était un homme jeune encore, d’une taille haute, à la fois robuste et gracieuse, mais que semblaient amollir des habitudes d’indolente paresse. Ses traits merveilleusement fins, et réguliers dans leur mâle ensemble, avaient subi énergiquement l’influence du soleil des tropiques ; mais la teinte de bronze qui couvrait son visage allait bien à ses yeux noirs, frangés de longs cils soyeux. Ses cheveux relevés se cachaient presque entièrement sous un bonnet de cachemire ; sa barbe, taillée à la mode des Persans, tombait en masses flexibles et brillantes jusque sur sa poitrine. Il portait une robe de soie légère qu’une ceinture lâche retenait autour de ses reins.

Il fumait lentement, aspirant çà et là une bouffée de son tabac à la cendre perlée dont les vapeurs embaumaient la tente. Ses yeux nageaient dans le vide. On eût dit qu’un divin sommeil le berçait.