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Il y avait pourtant sur la noble et belle figure de Marthe tous les indices d’un cœur dévoué…

Chacun cependant restait silencieux. Roger de Launoy, Cyprienne et Diane détournaient leurs regards avec une sorte de respectueuse pudeur. L’oncle rêvait toujours. Le bon maître d’école battait machinalement les cartes pour se donner une contenance, et l’homme de loi, lorgnant à la dérobée le flacon d’eau-de-vie à moitié vide, y trouvait évidemment l’explication de l’incohérente conduite de Penhoël. Un seul être parmi les hôtes du manoir aurait pu l’expliquer autrement et mieux ; mais c’était une âme discrète et loyale, dans laquelle mouraient les secrets confiés.

Penhoël s’était assis auprès de sa femme et caressait les cheveux blonds de l’Ange qui lui souriait doucement.

— Marthe, disait-il d’une voix basse et tremblante d’émotion, je suis un fou !… j’ai trop de bonheur !… et Dieu me punira, car je suis ingrat envers sa miséricorde.

Il pressait la main de Madame contre ses lèvres, et son regard voilé par un reste d’égarement la parcourait avec adoration.

— Sais-je pourquoi je souffre tant ? reprit-il. Oh ! Marthe !… Marthe !… je vous en prie, dites-moi que vous m’aimez.