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XI

le bordereau


Il y avait sur la table un bol de punch qui fumait, un large bol, déjà vide à moitié. Ils étaient là tous deux, le grand et le petit. M. le baron d’Altenheimer se promenait de long en large dans la chambre avec une énorme pipe prussienne pendue aux dents. Sa forêt de cheveux noirs l’avait quitté : c’était un long jeune homme, d’un châtain roux et presque chauve. Son habit noir était remplacé par une veste turque aux broderies d’or passées et rongées. Monsignor Bénédict avait une robe de chambre de satin cramoisi et se couchait tout de son long sur un vieux canapé avec un cigare de la Havane entre les lèvres.

En vérité, c’est à peine si on aurait pu les reconnaître ; il n’y avait plus trace du diplomate compassé, ni surtout du jeune ecclésiastique aux candides allures.

La pièce était jouée, les acteurs avaient jeté bas costumes, postiches et peintures.

La chambre où ils se trouvaient était vaste et haute d’étage, mais mal tenue et meublée de bric à brac. Elle avait deux lits. On y sentait à plein nez le garni de bas ordre. Ses deux fenêtres aux carreaux jaunis donnaient sur la rue Saint-Antoine, aux environs de l’Hôtel-de-Ville.

Le baron et Bénédict avaient l’air tous les deux d’être en joyeuse humeur et causaient comme deux bons frères.