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— Un peu d’air frais… on étouffe ici !

— Monsieur le marquis, lui dit la princesse, d’un ton qui voulait être très sévère, vous avez été absent trente-cinq minutes, montre à la main. Votre conduite est de la dernière inconvenance !

Mais elle ajouta, en le menaçant du doigt :

— Je vous mets en pénitence, si vous ne m’apportez pas une pleine brassée de nouvelles !

— Il ne s’est rien passé ? demanda Gaston ?

— J’ai le torticolis à force de regarder de tous côtés, répondit la princesse. Le docteur prétend que tout ceci est une superbe mystification. Mais ce cher M. Récamier, à force de douter de la Faculté, ne croit plus à rien, vous savez… Ah çà ! mais, Gaston, nous perdrons la tête ! vous m’interrogez, et moi, j’ai la bonhomie de vous répondre : c’est le monde renversé !

Gaston garda le silence.

— Comme vous voilà pâle, reprit sa mère inquiète, vous qui aviez tant de couleurs en rentrant !… Il me faut une explication, Gaston, mon enfant ; Il y a quelque chose, peut-être un roman, songez que je les déteste… voyons ! soyez franc !… Pauvre Émerance ! Parlez, Gaston, je le veux. Qu’avez-vous fait, depuis que vous êtes sorti du salon.

— Madame, répliqua le jeune marquis en faisant effort pour secouer sa rêverie, je ne crois pas que ce soit un roman, mais c’est du moins une étrange histoire. Demain, si vous le permettez, je me présenterai à votre lever : j’ai absolument besoin de vous parler.

Il n’y a pas de mot en français pour exprimer la passion que les mères ont de savoir. Il serait injuste de donner à ce désir profond et si légitime le nom de curiosité. Les étonnements de Mme la princesse grandissaient. Elle ne retrouvait plus en son fils l’enfant de la veille, et Gaston n’en aurait pas été quitte pour si peu si un grand mouvement ne s’était