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— Prince, reprit-il, reconnaîtriez-vous, si le hasard vous plaçait en face d’eux, les deux Tziganes qui reçurent l’hospitalité au château de Chandor, la nuit où votre fille fut enlevée ?

Mlle d’Arnheim tressaillit et devint livide.

— Comment savez-vous ?… balbutia le vieillard.

— Il me reste à vous expliquer beaucoup de choses, prince, interrompit le jeune marquis, mais ce n’est ici ni le lieu, ni l’heure. Je vous supplie de vouloir bien répondre à ma question.

— Je les reconnaîtrais, dit M. d’Arnheim entre ses dents serrées, dans dix ans comme aujourd’hui !

Gaston prêta l’oreille : monsignor Bénédict avait fini de chanter.

— Prince, poursuivit-il, vous êtes destiné à vous trouver, ce soir peut-être, en face de ceux qui ont consommé votre ruine.

— Il se pourrait !… s’écria le vieillard.

— Nous avons parlé plus d’une fois de Dieu dans cette entrevue, dit Gaston gravement : ce sont des voies inconnues que les siennes. Une personne qui me paraît digne de foi a annoncé, pour ce soir, la présence des frères Ténèbre dans les salons de l’archevêque de Paris : Mikaël et Solim, le grand et le petit. Quand Mlle d’Arnheim va paraître, vous la suivrez sans doute. Regardez bien, mais cachez bien aussi votre colère légitime et vos justes ressentiments. Il vous importe, il importe à votre fille et aussi à moi, votre gendre, que nul, excepté moi, ne pénètre votre secret. Nous serons éloignés l’un de l’autre : il nous faut un signal. Si vous reconnaissez les deux malfaiteurs, promettez-moi deux choses : d’abord l’abstention la plus absolue, ensuite ce geste, dessiné ostensiblement, et non pas un autre.

Il posa les cinq doigts de sa main droite étendue sur son front.

M. d’Arnheim hésita un instant, puis il dit :