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VII

demande en mariage


De l’autre côté de la porte, le concert continuait. L’orgue de Nuremberg gazouillait sous les doigts de monsignor Bénédict, une petite musique charmante, le fameux Noël de Bologne : Gesu bambino.

Entre nos trois personnages, le silence n’avait pas encore été rompu, et le malaise grandissait. M. d’Arnheim sembla faire enfin un très pénible effort sur lui-même et débuta ainsi :

— Vous venez, monsieur, pour vous arranger avec moi au sujet de leçons à donner par ma fille ?…

Il s’arrêta. Nous ne saurions exprimer ce qu’il y avait de hauteur humiliée, de noblesse écrasée, de regrets amers, et cependant aussi de résignation, de mélancolie et de tendresse dans ce peu de paroles prononcées par le vieillard.

Gaston fit un pas vers lui.

— Prince, dit-il à voix basse, vous vous trompez, je ne viens pas pour cela.

— Prince ! répéta M. d’Arnheim, dont tous les membres se prirent à trembler, pendant que sa fille cachait entre ses mains son visage baigné de larmes : prince… Vous avez dit : prince ! puis il ajouta, en posant ses poignets frémissants sur les bras de son fauteuil, pour se lever :

— À qui croyez-vous parler, monsieur ?