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à deux battants pour Vos Excellences, sait ou se figure aisément la montagne d’impossibilités — je prononce le mot, cette fois — qu’il faut soulever pour créer de fausses correspondances diplomatiques. Chacune de ces dépêches passe par cent mains qu’il faut corrompre et devant cent regards qu’il faut aveugler.

« Eh bien ! la fausse correspondance fut créée dans tous ses détails, et je déclare que ce fut un chef-d’œuvre ! J’ai dans mon dossier ici, à Paris, une lettre autographe du roi Ferdinand, écrite par le chevalier Ténèbre, le vampire ! Ce sont des gens de talent.

« Ce n’est pas tout, cependant. Il y avait eu des notes réelles et authentiques émanées de la cour de Wurtemberg ; la cour d’Espagne répondit cela est certain. Ajoutez la suppression des pièces vraies à la création des pièces fausses et que votre raison s’étonne à loisir, car, je le répète, là est le miracle d’habileté.

« Le reste rentre dans la catégorie des prestidigitations ordinaires. Que ces deux êtres aient pu me tromper, agissant et parlant comme ils le firent devant moi qui étais si chèrement payé pour les connaître, c’est une question de métier : on admet qu’il y ait des grimes parfaits, des imposteurs accomplis, des comédiens admirables. Mais les pièces !…

M. d’Altenheimer s’arrêta comme si son étonnement rétrospectif l’eût suffoqué, et monsignor Bénédict soupira en hochant sa tête blonde.

— Ah ! voyez-vous ! les pièces !… les pièces !… C’est là le merveilleux !

Mgr de Quélen se pencha à l’oreille de l’évêque d’Hermopolis.

— Ah çà, dit-il à voix basse ; je suis tout étourdi, moi, je l’avoue… on nous raconte là des choses de l’autre monde ! qui sont ces gens-là ?

— Ils sont ce qu’ils disent être, répliqua le ministre, et cette très curieuse histoire est la pure vérité… Ah ! ah ! on ne nous en passerait pas comme cela en France !