comme un père aime ses enfants ; M. de Vauduy, ancien militaire, apprenait à René le maniement des armes. À seize ans, René était un jeune homme simple de cœur, fervent chrétien, dévoué à ceux qu’il regardait comme ses bienfaiteurs ; il était de plus robuste, intrépide jusqu’à la témérité, maître passé au maniement de toute arme blanche, et si habile chasseur, qu’on n’eût point trouvé son pareil à dix lieues à la ronde.
La révolution était venue ; le bon curé avait été obligé de fuir ; la famille de Rieux avait passé la mer, et les douze ou quinze gentillâtres étaient allés se faire tuer dans l’armée de Condé. Seul, M. de Vauduy était resté à Saint-Yon.
Quant à René, la fuite de ses anciens compagnons de plaisir, et surtout celle du bon curé, lui avaient mis au cœur une irritation profonde. Habitué à vivre au milieu des paysans hobereaux, loyaux comme leurs épées, et ne pouvant juger le gouvernement nouveau que par ses actes, il se prit à le haïr. Du fond de son obscure retraite, il ne pouvait mesurer les motifs qui faisaient agir tous ces bras impitoyables. Son père, sincèrement imbu des doctrines républicaines, essayait souvent de le ramener à son parti ; mais le jeune homme écoutait d’un air sombre, et répondait :
— La République a chassé les habitants du pays ; elle a chassé monsieur le curé, dont la vie ne fut qu’une longue suite d’actions méritoires ; elle a chassé tout ce qui était noble, bon et beau. Je ne puis aimer la République.
Puis, un jour, il prit son fusil double et partit sans dire adieu à son père.
Sainte avait douze ans ; elle pleura et pria bien son frère qu’il n’abandonnât pas la maison paternelle ; mais le jeune homme fut inflexible.
— Sainte, dit-il en l’embrassant, tu ne sais pas, ma sœur, dans quelques mois la conscription viendra ;