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gedin, pousser vers Kolocza et le Danube ou remonter à Czongrad, où est le pont de bateaux : ils prirent ce dernier parti et piquèrent droit au travers de la forêt. La nuit était noire et les favorisait. Vers deux heures du matin, ils arrivèrent au pont de Czongrad, au moment où la lune, finissant son dernier quartier, montrait son croissant étroit et pâle au-dessus de l’horizon. Pendant qu’ils passaient le pont solitaire, heureux, déjà, de ce premier succès, ils virent des barques qui remontaient rapidement le fil de l’eau ; en même temps un bruit de chevaux marchant sourdement dans la poudre arriva du bord qu’ils venaient de quitter.

Était-ce la justice de Dieu qui mettait ainsi l’ennemi sur leurs traces ?

La lune les éclairait dans ce passage découvert.

— Feu ! cria une voix qui venait de la barque la plus voisine et qu’ils reconnurent bien pour appartenir au vieux Baszin en personne.

Ils se baissèrent à propos pour éviter une volée de balles qui passa sur leurs têtes.

Les chevaux de l’autre rive prirent le galop et leur sabot résonna bientôt sur les planches du pont.

William et Bobby, accélérant leur course désespérée, avaient atteint l’autre rive. Ils se jetèrent dans les moissons qui couvrent la plaine entre la Theiss et la rivière de Tur. Là, ils se blottirent comme deux perdrix dans un sillon, car l’haleine leur manquait.

La cavalcade était déjà dans la plaine et les tiges de maïs bruissaient, froissées par le passage des chevaux. Il y eut un moment où les deux fugitifs avaient des chasseurs à leur droite et à leur gauche, par devant et par derrière. — Puis la chasse passa. — Le dernier cheval toucha du sabot la tête de William, qui retint son souffle et garda le silence.

Le cavalier était Chrétien Baszin, prince Jacobyi, qui venait d’aborder au rivage et rejoignait ses gens au galop.