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liberté de garder aux personnages formant galerie leurs titres et leurs noms historiques. Mme la princesse, ayant un rôle dans notre pièce, nous paraît devoir jouir du bénéfice de l’incognito.

Elle était là avec son fils cadet, le jeune marquis de Lorgères, grand adolescent pâle et beau, qui s’était d’abord destiné à l’église, et qui, depuis peu hésitait dans sa vocation.

Mme la princesse idolâtrait son fils cadet, et ne voulait point en avoir trop l’air, elle le traitait avec une sévérité un peu affectée et se cachait de lui pour approuver à demi la voie nouvelle qu’il voulait prendre : le jeune marquis se destinait à la diplomatie.

C’était une femme un peu bizarre, avec de grandes qualités d’intelligence et de cœur.

Monseigneur de Quélen sur la question du « merveilleux », ne se prononçait point et semblait penser qu’en ces matières, il y a du pour et du contre. L’évêque d’Hermopolis, Mgr Frayssinous, qui avait le ministère des cultes à cette époque, était un chaud croyant et avait raconté lui-même des histoires admirablement dites. Il allait en commencer une nouvelle, lorsque la princesse insinua :

— Il se fait froid. N’entrerons-nous pas au salon ?

Il serait inexact de parler ici d’éclats de rire ; l’éclat de rire, surtout quand il prend une signification moqueuse, ne dépasse pas un certain niveau social. Mais le diable n’y perd rien. Il y eut, à ces mots : « Il se fait froid », un gentil murmure qui chatouilla suffisamment l’oreille de Mme la princesse, car elle crut devoir s’écrier :

— Allons ! ne pensez-vous pas que j’ai peur ?

La jeune et belle comtesse de Maillé se leva et vint draper un manteau d’été sur ses épaules.

— Ma tante, dit-elle, laissez-nous trembler encore un petit peu ; c’est si bon !