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— Non seulement notre partie n’est pas perdue, mais l’occasion se présente de la gagner d’un seul coup. Ma charge me donne les moyens de voir clair là où les autres tâtonnent. Nous avons de fins limiers, qui chassent dans Paris comme une meute au bois. Voici ce que j’ai appris aujourd’hui en sortant de l’audience : Madame Éliane est arrivée à Paris voici quatre jours, et s’est présentée incontinent à la porte du Palais-Royal, demandant la reine régente. La reine régente a fait répondre qu’elle ne recevrait pas madame Éliane.

— Pourquoi cela ? demanda Mathieu Barnabi.

— Mon compère, répondit le conseiller sentencieusement, il y a des services si gros et si lourds que le cœur des grands n’en peut point garder la mémoire. Un jour, madame la comtesse de Pardaillan a sauvé l’honneur et peut-être la vie de la reine. Cela importune la reine qui n’aimerait point se retrouver en face de la comtesse de Pardaillan.

— Ah ! murmura Mathieu avec étonnement. La reine Marie n’était pas faite comme cela !

— C’est vrai : la reine Marie avait d’autres défauts. Les reines se suivent et ne se ressemblent pas ; c’était une reine de teint brun qui avait le diable au corps. Il s’agit ici d’une reine grasse et blanche qui ne tue point ceux qu’elle hait, mais qui oublie ceux qui l’aiment. Poursuivons. Ayant reçu cet accueil chez la reine, madame la comtesse s’est rendue chez M. le cardinal de Mazarin.

Celui-là est précisément l’homme qu’il faut à la reine blanche et grasse. Un beau cavalier, vraiment, conservé comme un fruit dans un bocal, en dépit de ses quarante années ; peau lisse, che-