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— Juges-en. Le chevalier t’aime du plus profond de son âme. Mon Dieu, oui ! sans t’avoir jamais parlé et seulement pour avoir vu parfois ton sourire, sous le grand voile que la brise soulevait, là-bas, quand tu chevauchais dans la forêt de Pardaillan ; pour t’avoir suivie de loin dans ton voyage, pour… sur ma foi, je ne sais pas pourquoi. Les romans de chevalerie sont bourrés de pareilles aventures et je commence à croire qu’ils ne méritent pas si bien qu’on le pense leur réputation d’imposteurs. À ces choses-là, le pourquoi manque. On aime parce qu’on aime. Il t’aime, il t’adore plutôt, car c’est un culte.

Le cœur de Pola battait violemment sous sa collerette, malgré l’effort qu’elle faisait pour garder une contenance sévère et digne.

— C’est bon ! dit pour la seconde fois Mélise. Tu ne l’aimes pas, toi !

Son regard moqueur pesait sur les paupières de Pola qui n’osaient plus se rouvrir.

— Si tu l’aimais, poursuivit la fillette, tu te serais déjà jetée à mon cou, malgré tes grands airs. Que veux-tu, je me suis trompée. Et conviens qu’il y avait lieu de se tromper. Chaque fois que je venais, ta première question était pour Gaétan, et ce matin encore…

Pola lui tendit sa main qui était froide et prononça lentement :

— Ne joue pas avec cela, ma fille !

— À la bonne heure ! fit Mélise. Nous y venons donc enfin ! Alors, je n’ai pas commis une trop lourde maladresse en lui avouant franchement que tu l’aimais ?