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que M. de Saint-Venant avait demandé ta main ?

— Lui ! fit Pola stupéfaite, je l’ai toujours regardé comme un père.

— Le mien, mon père à moi, murmura Mélise, qui avait l’air songeur, disait un jour qu’il devait y avoir un secret, un grand secret, entre la comtesse et le conseiller de Saint-Venant. Ne fronce pas les sourcils, chérie. De ce qui vient de mon père ou de moi, rien ne doit t’offenser. Il y a des secrets partagés qui sont criminels d’un côté, honorables de l’autre. À chacun selon son cœur. Je sais que le More entretient des relations suivies avec Mathieu Barnabi, qui est un personnage maintenant et l’âme damnée du conseiller de Saint-Venant.

Pola passa ses doigts effilés sur son front.

— Ma tête me fait mal, dit-elle ; on s’y perd !

— On s’y perd, répéta Mélise, c’est vrai ; mais quand on a bonne volonté et bon courage, on s’y retrouve, mon cœur. Il y a un fil qui vous guide : c’est l’ardent désir de sauver ceux qu’on aime. À quoi penses-tu ?

Pola hésita avant de répondre. Elle avait des larmes dans les yeux.

— Je pense à mon pauvre père, dit-elle enfin. Ou plutôt je pense à ma mère par rapport à lui. Que se passe-t-il pendant l’absence de ma mère, si ma mère est absente du château de Pardaillan comme tu l’affirmes, dans cette chambre triste et où nul n’entre jamais ?

Les sourcils de Mélise se froncèrent.

— Quelqu’un y entre, voilà tout, répliqua-t-elle d’un ton résolu. Si Dieu m’avait laissé une mère,