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Le grand jour, faisant irruption dans l’alcôve, montra le corps de feu Pol de Guezevern, comte de Pardaillan, avec son voile noir sur le visage.

On avait douté jusqu’à ce moment. Toutes les bouches restèrent muettes et béantes.

— Voilà mon compétiteur ! reprit le baron de Gondrin d’une voix éclatante. Voilà celui qui touche mes revenus et qui porte mon titre. Je laisse tous les autres crimes à qui de droit, mais je reprends mon bien effrontément volé.

Il arracha d’un grand geste la couverture du lit.

— Holà ! monsieur le comte, cria-t-il en même temps d’un accent sarcastique. Debout ! défendez votre signature et votre femme ! Dites que madame la comtesse ne vous a point versé la mort dans une tasse de vin, mon digne seigneur, et dites que je ne suis pas le vrai, le seul comte de Pardaillan-Montespan depuis quinze années.

Le moment était si dramatique qu’aucune de ces dames ne songea à baisser les yeux.

Bien entendu, le pauvre Pol de Guezevern ne répondit point à ce défi ; son corps embaumé n’avait point l’air du tout de vouloir s’éveiller en un miracle.

Dans le silence qui suivit, silence profond, où chacun retenait son souffle, on entendit un petit bruit au fond de l’alcôve, comme si le pêne de la porte cédait enfin à un effort contenu, et un grand bruit du côté de l’entrée principale : des cris, des jurons, avec un cliquetis d’épées.

M. de Gondrin répéta :

— Messieurs, protégez la justice du roi.