Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle était brave, elle était calme.

La porte ouverte laissa voir la sombre placidité de cette tombe où la plus belle des femmes avait enfoui sa jeunesse opulente et si bien faite pour l’éclat souriant du soleil de la cour.

Dans cet ordre d’idées, Éliane ne regrettait rien. Elle ne se tenait même pas compte à elle-même de ce long sacrifice qui n’expiait aucune faute aux yeux sévères de sa conscience. Elle avait poussé jusqu’au sublime le culte de la veuve et l’amour de la mère. Cela se devait.

Elle traversa la chambre et entra dans l’alcôve. Son regard mélancolique et doux se reposa d’abord sur le lit occupé, puis sur la couche vide qui était la sienne. Elle pensa :

— Nous allons être deux ici désormais.

La visite de M. le baron de Gondrin et du conseiller de Saint-Venant n’avait laissé aucune trace. Du moins madame Éliane ne remarqua rien qui pût lui faire soupçonner que sa retraite avait été violée. La couche du mort était intacte, et les couvertures étaient disposées comme d’habitude.

Madame Éliane ferma à double tour la porte qui était au fond de l’alcôve. Elle s’agenouilla devant le lit du défunt.

— Pendant quinze ans, dit-elle, j’ai fait ainsi chaque matin et chaque soir. Quand j’ai manqué parfois à ce rendez-vous, Pol de Guezevern, mon mari, mon premier, mon dernier amour, c’est que j’étais à la recherche de notre fils. Aujourd’hui, voici pour la dernière fois ma voix qui monte vers vous ; ma bouche va se fermer