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pour plaire à ce croquant de Mazarin, Piquez des deux, s’il vous plaît ; je ne me croirai en sûreté que chez M. mon ami, le duc d’Épernon, gouverneur de Guyenne !

Et la petite troupe passa le long de l’eau sombre encaissée entre ses hautes rives, au milieu d’un nuage de poussière.

Un clou chasse l’autre. M. de Vendôme, à cent cinquante lieues de Paris, croyait encore avoir les mousquetaires à ses trousses ; la belle peur qu’il avait lui faisait oublier son infirmité. Depuis trois jours il était en paix avec ses entrailles.

Devant lui et son escorte s’élevait au loin ce mamelon de forme bizarre qui mettait dans l’ombre la vaste carrure du château de Pardaillan.

C’était l’heure, à peu près, où la grand’porte s’ouvrait aux assaillants, d’après l’ordre de madame Éliane. M. de Vendôme et ses gens couraient depuis le lever du jour, fuyant la poursuite imaginaire des suppôts de M. de Mazarin, qui ne s’inquiétaient d’eux nullement.

À la même heure, la comtesse Éliane, qui venait de donner ses dernières instructions à Mitraille, était seule dans son oratoire.

Depuis son entrevue avec le conseiller Renaud de Saint-Venant, elle était restée en proie à cette fièvre lente qui accompagne les résolutions suprêmes. Maintenant, elle subissait une sorte de prostration ressemblant à un sommeil.

Elle demeura longtemps immobile, assise dans son fauteuil, et gardant l’attitude d’une personne qui va se lever. Ses yeux regardaient vaguement au-devant d’elle et sans voir. Elle écoutait les