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— Tant mieux, père, tant mieux ! fit Mélise. Allez au troisième flacon, et vous verres tout à fait clair.

Le coquin de Mitraille n’eut pas honte de suivre un semblable conseil. Il but sa troisième pinte, et se redressa tout gaillard.

— Sanguedimoy ! s’écria-t-il, voilà de bonnes vendanges ! Je crois qu’il n’y a que toi d’avisée en cet univers, mignonne. Or çà, voyons à nos affaires. Nous sommes bien bas, mais il y a peut-être encore moyen de moyenner.

Il raconta à Mélise ce qui venait de se passer et prit à la main les deux lettres que madame Éliane lui avait ordonné de remettre à ses enfants sur le coup de neuf heures.

Mélise fit sauter le cachet de la première lettre, et lut à travers un éblouissement :

« Mon cher fils,

« Je suis innocente, mais Dieu ne m’a pas donné le courage de supporter la honte sous le regard de mes enfants bien-aimés. J’ai beaucoup souffert, beaucoup osé pour toi et pour ta sœur. Vous êtes deux fois les héritiers de Pardaillan par votre père et par votre mère. Mais la justice humaine, je le crains, ne décidera point en votre faveur.

« Mon fils, quelles que soient les apparences, ne condamne jamais ta mère. Si tu avais été comte, peut-être t’aurais-je défendu d’écouter la voix de ton cœur. Tu n’es plus qu’un soldat, donne ta main à celle que tu aimes : cette chère enfant, Mélise, me connaît mieux que toi ; elle t’apprendra à respecter ma mémoire… »