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— Je vous ordonne de sortir ! commanda Éliane, qui se redressa de toute sa hauteur.

— Vous allez vous tuer ! balbutia Saint-Venant ; je vous devine.

— Vous l’avez dit, répliqua Éliane, je vais me tuer ; sortez !

Saint-Venant se dirigea vers la porte en murmurant :

— J’ai fait ce que j’ai pu. Chacun pour soi en ce monde. Voici vingt ans que je travaille, et je ne puis tout perdre pour une lubie de femme. Par la messe ! je n’ai que le temps d’arranger mes affaires d’un autre côté. Respectée dame, vous n’avez à accuser que vous-même ; j’avais pour vous un dévouement chevaleresque…

Sa phrase s’acheva de l’autre côté de la porte.

Les bras de la comtesse tombèrent le long de son corps.

Elle resta longtemps ainsi, immobile, anéantie.

En vérité, il y avait du vrai dans ce qu’Éliane avait dit : Dieu l’abandonnait moins qu’elle ne s’abandonnait elle-même. Sa force d’âme d’autrefois succombait sous le poids d’un sentiment qui ressemblait à un remords. Elle avait menti. Le mensonge l’écrasait à cette heure où elle aurait eu besoin de toute sa vaillance.

Il ne lui eût fallu qu’une épée contre cet homme qui était fort et hardi seulement devant les femmes. Elle était entourée d’épées. Un cri, un simple cri eût appelé Mitraille, qui rôdait, indécis et inquiet, dans le couloir intérieur, et Gaëtan, toujours placé en sentinelle dans l’autre galerie.