Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieutenant de roi me disait tout à l’heure, car personne d’entre nous ne dort cette nuit, M. le baron de Gondrin me disait : « Si nous étions en Brie ou en Champagne, au lieu d’être dans le Rouergue, il ne nous resterait plus qu’à prendre nos jambes à notre cou. »

— Quoi ? demanda madame Éliane, M. le baron de Gondrin se repent-il de la violence qu’il a exercée à mon égard ?

— Non, point du tout, respectée dame, parce que nous sommes dans le Rouergue, au lieu d’être en Champagne ou en Brie. Il faut à tout le moins cinq bonnes journées pour venir de Paris jusqu’ici, au train de voyage : nous en avons mis sept et nous avions des relais. Les routes ont, Dieu merci, tant de fondrières !

M. le baron de Gondrin-Montespan estime qu’il a encore quarante-huit heures pour prouver aux gens du Parlement que vous possédez l’héritage de Pardaillan par suite d’une très hardie et très ingénieuse supercherie. Les gens du Parlement et M. le baron n’en demandent pas davantage. Une fois ceci prouvé, et vous savez mieux que personne si la preuve est malaisée à parfaire, M. le baron est à l’abri. Le gouvernement aura beau changer, la reine aura beau défiler sa guirlande de ministres comme un chapelet de noix, rien n’y fera : M. de Gondrin sera héritier de par la loi, et de par la loi, vous, respectée dame, vous serez ruinée, perdue, déshonorée. Je suppose que j’ai parlé clairement ?

Madame Éliane était très pâle, mais non point abattue. Elle regardait le conseiller en face.