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— J’ai compris : il veut absoudre. Pour plaider, il faut savoir. Est-ce vers mon bien-aimé père que vous allez me conduire ?

Estéban répondit :

— Pour savoir, il faut interroger. Guezevern, je vous conduis à votre mère.

Il serrait, en parlant, le ceinturon de son épée. Roger l’imita.

— Et moi ? dit Gaëtan, qui restait assis.

— Nous n’avons pas assez de troupes, répliqua le More en riant, pour laisser garnison dans les places que nous abandonnons. Chevalier, vous avez droit, suivez-nous : vous êtes de la famille.

Gaëtan eut besoin de se contenir pour ne pas sauter de joie. Il toucha la main du More avec un évident respect. Cet homme avait pris sur les deux jeunes gens un empire extraordinaire.

Le beffroi mettait en mouvement son carillon qui fut suivi d’un seul coup, marquant la première heure après minuit, à l’instant où nos trois compagnons quittaient la chambre de l’aïeul. Ils descendirent à bas bruit et se trouvèrent bientôt dans l’espèce de vestibule où Cathou Chailhou avait causé avec le chevalier. On avait étendu de la paille sur la terre battue et le vestibule servait de chambre à coucher à une douzaine de dormeurs ronflant pêle-mêle, en digérant les longes de génisse de madame Chailhou.

Estéban, qui marchait le premier, ne se donna point trop de peine pour dissimuler son passage. Il alla droit son chemin, suscitant çà et là quelque blasphème d’un ronfleur à demi éveillé. La salle commune, qu’il fallait traverser aussi, était en-