Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Buvons ! ajouta-t-il en étouffant un soupir. Je suis page de M. de Vendôme, Qui sait si on ne mettrait pas cette noble origine entre moi et celle que j’aime ?

— Pol de Guezevern aussi, dit le More à voix basse, était page de M. de Vendôme.

— Eh bien ! oui, s’écria Roger avec une soudaine violence, c’est la vérité, j’ai peur ! Il y a une chose terrible, un doute funeste. J’ai peur d’être l’héritier d’un grand malheur. J’ai peur qu’une voix s’élève et me dise : comte de Pardaillan, soyez juge entre votre père et votre mère !

— Frère ! prononça tout bas Gaëtan, ne croyez-vous point à madame Éliane ?

— Cet homme l’a dit, répliqua le page avec une émotion profonde ; je n’ai jamais entendu le nom de Pol de Guezevern sans tressaillir dans toutes les fibres de mon cœur !

Le More leva son verre jusqu’à ses lèvres. Son visage de bronze ne pouvait point pâlir, mais ses lèvres tremblaient. Il y eut un silence.

— Don Estéban, reprit Gaëtan le premier, vous ne nous avez pas dit qui vous êtes.

— C’est vrai, ajouta Roger, et plus que jamais j’ai besoin de le savoir.

Le More semblait se recueillir en lui-même.

— Vous avez raison, dit-il enfin au lieu de répondre, j’en sais plus long que vous ; et cependant je ne sais pas tout. C’est cette nuit ou jamais qu’il me faut tout savoir. Chevalier, j’ai connu votre père, je l’ai respecté ; il y avait entre nous deux la même différence d’âge qui nous sépare vous et moi ; il m’aimait. Et cependant, le vrai