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Parie jusqu’ici, et devançant toujours tout le monde, j’ai changé souvent de compagnons. J’ai été le cavalier de Mélise, ami Roger. Ami Gaëtan, j’ai caracolé à la portière des dames de Pardaillan, ce qui ne m’a pas empêché de causer avec M. le baron de Gondrin, lieutenant de roi ; avec le conseiller de Saint-Venant, avec maître Mathieu Barnabi et bien d’autres. En conscience, je n’ai point perdu mon temps sur la route, et si j’avais su, voilà huit jours, tout ce que je sais maintenant, peut-être n’y aurait-il point tant de chalands, ce soir, à l’auberge de Minou Chailhou, notre hôte. Mais tout est pour le mieux, croyez-moi, et il faut des témoins aux affaires bien faites. Quant aux renseignements qui me font défaut encore, j’ai compté sur vous pour me les fournir.

— Sur nous ! répétèrent les deux jeunes gens avec un reste de défiance.

Et Gaétan ajouta :

— Nous ne savons pas encore qui vous êtes.

— C’est juste, répondit le More avec un sourire, mais se cacher n’est pas un crime, monsieur le chevalier. Depuis combien de jours portez-vous le nom de votre brave, de votre malheureux père ?

Ceci fut prononcé d’un tel ton que la main de Gaétan se tendit d’elle-même.

Le More la serra d’une étreinte véritablement paternelle.

— Et vous, ami Roger, reprit-il, ne savez-vous point depuis quelque temps déjà que votre vrai nom n’est pas celui que vous portez ?

Le page rougit, mais son étonnement ne fut point comparable à celui du chevalier, qui s’écria :