Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Aidez-moi, reprit don Estéban, qui rejeta à droite et à gauche la draperie de serge.

On fit rouler le pauvre lit jusqu’auprès de la table, ce qui, avec la chaise de bois, donna trois sièges.

La famille Chailhou, dans son zèle, monta trois brocs de vin au lieu d’un, et fut mise à la porte avec injonction de ne point revenir.

On s’assit autour de la table. Gaétan dit :

— Seigneur, je suppose que vous n’avez point parlé au hasard ; vous avez dit à moi et à ce jeune homme : « Vous n’aimez point la même femme. »

Don Estéban remplit les verres.

— J’ai dit vrai, répliqua-t-il, en s’adressant à Gaëtan. Vous aimez au-dessus de vous, mon gentilhomme, et celui-ci aime au-dessous de lui : vous aimez mademoiselle de Pardaillan…

— L’homme ! voulut protester Gaëtan.

— Et Roger, acheva tranquillement Estéban, aime la fille du capitaine Mitraille.

— Ma foi, dit Roger, je ne m’en défends pas. Elle est bien assez jolie pour cela.

Gaëtan lui tendit la main. Avant de la prendre, Roger stipula avec un restant de défiance :

— Jurez-moi que vous n’êtes pas ici pour ma petite Mélise !

— De grand cœur ! fit le chevalier, je le jure !

— Voilà donc une affaire arrangée, reprit le More qui leva son verre d’un geste gracieux et noble. Je bois à vos amours, mes jeunes maîtres.

— Seigneur Estéban, répondit le chevalier, avant de trinquer avec vous, je dois rappeler à mon nouvel ami et à vous-même une parole que