Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’être dispos demain. Nous aurons de la besogne, et je ne crois pas que maître Roger vienne, cette fois, se jeter en travers de mon chemin. Par la sangdieu ! quand ce grand diable de More est arrivé l’autre jour, je tenais maître Roger à la pointe de mon épée. C’est un joli compagnon, et je ne suis point trop fâché de ne l’avoir point couché sur l’herbe… Mais si je l’avais rencontré ici, par exemple, suivant la même piste, ma foi il aurait bien fallu en finir !

Il déboucla le ceinturon de son épée.

— Du diable si je ne suis pas fait comme un bandit ! grommela-t-il en voyant l’épaisse couche de poussière qui blanchissait ses vêtements. J’ai l’air d’avoir porté des sacs de farine au moulin. Un gentilhomme ne peut pas s’exposer à mourir en un pareil état : j’ai honte d’avance pour mon cadavre. Et puisque je ne me connais point de valet ni de page, je vais amender moi-même ma toilette de bataille.

Il riait, non point trop gaiement, mais certes sans amertume : il riait comme ceux de son âge et de sa sorte, en ces jours insouciants, quand il ne s’agissait que de mourir. Ayant dépouillé son pourpoint, il se mit à le battre, dans l’embrasure, avec le plat de son épée.

Pendant qu’il frappait de tout son cœur, un bruit se fit derrière les rideaux de serge brune, comme si quelque dormeur se fût retourné en grondant, dans un lit vermoulu, auquel chaque mouvement brusque arrache un craquement.

Le chevalier n’entendit point et poursuivit, entouré déjà d’un nuage de poussière :