besoin d’une posture. Souffrez que je me présente comme un des officiers de votre maison, sous le nom de don Estéban.
— Ce n’est donc pas votre nom véritable ?
— Excellence, je penche à croire que je n’ai pas de nom.
— Où êtes-vous né ?
— Quelque part, dans un pays chrétien.
— Quel est votre état ?
— Rameur sur les galères du Grand-Turc.
— Vous venez ?
— D’Allemagne, par Trieste, Constantinople, Alger, le Désert, Tanger, Gibraltar, Séville, Cordoue, Tolède, Madrid, Burgos et Pampelune où j’ai eu le bonheur de rencontrer Votre Seigneurie.
— Et votre but à Paris est ?…
— Excellence, Dieu le sait, moi je l’ignore encore.
Voilà ce que Mélise avait appris du bachelier, du page et de la duègne. Elle voyait le More à travers cette romanesque histoire ; son imagination excitée le grandissait à la taille des anciens chevaliers errants. Comme elle était dévouée jusqu’à l’enthousiasme, comme elle devinait vaguement un grand, un mortel danger planant au-dessus de madame Éliane, sa bienfaitrice tant aimée, elle convoitait l’appui de ce paladin à qui elle attribuait des puissances mystérieuses et surnaturelles.
Le cœur de ces enfants se trompe rarement ; on en a vu qui allaient à la vérité par le propre chemin du mensonge et de la folie.
Mélise entra résolument à l’hôtellerie de l’Image