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ne saurait dire pourquoi, et qu’elle avait peine à s’empêcher de sangloter.

Éliane lui prit les deux mains et les serra contre son cœur.

— Ma bonne, ma chère tante, dit-elle, n’êtes-vous pas ma bienfaitrice ? ne m’avez-vous pas servi de mère autrefois ? Je ne puis avoir de secrets pour vous. Ma Pola va monter à sa chambre pour se préparer, car il faut qu’elle me suive aujourd’hui même au château de Pardaillan, et je vais vous dire tout ce que vous avez droit de savoir.

— Monte, petite, monte ! s’écria impétueusement la béguine ; il y a des choses qui ne sont pas bonnes aux oreilles des enfants !

Pola donna son front au baiser de sa mère et s’éloigna avec lenteur. Elle aussi aurait voulu savoir. On allait parler de son père.

— Bonne chérie, dit aussitôt madame Honorée, vous savez que la curiosité n’est point mon défaut, mais puisqu’il vous convient d’être franche avec moi, je vous écoute.

Toute sa méchante humeur avait disparu.

Elles s’assirent l’une auprès de l’autre, après avoir fermé les portes. Éliane parla longtemps et fut souvent interrompue par les exclamations étonnées de la bonne dame qui eut plus d’une fois des larmes dans les yeux.

Quand elle eut achevé, dame Honorée la baisa au front. Elle était pâle et toute tremblante.

— As-tu fait tout cela, chérie ? murmura-t-elle. Tant osé ? tant souffert ? As-tu dormi pendant quinze années auprès d’un mort ? C’est moi qui