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d’interrompre ce discours, où la bonne béguine ne mettait ni points ni virgules.

— Je vous prie de me laisser parler, ma nièce, l’interrompit[1] dame Honorée à son tour. Je ne passe point pour être une bavarde, et il s’agit malheureusement de choses assez graves. Comment se porte mon neveu, Pol de Guezevern, de Pardaillan ? Bien ? J’entends pour son état. Le ciel en soit béni ! Faites-moi penser à vous demander des détails sur son genre de folie. Nous avons ici une mère qui guérit les lunatiques par l’intercession de saint Guinou. Mais là-bas, dans le Rouergue, vous ne croyez peut-être pas à nos saints de Bretagne. Il y a donc que j’allais vous écrire pour vous prier de reprendre cette chère enfant.

Éliane ouvrit la bouche encore, mais dame Honorée poursuivit sans respirer.

— Je n’en dirai pas plus long qu’il ne faut devant mademoiselle de Pardaillan, madame ma nièce, poursuivit-elle, mais il est certain que vous me mîtes dans un cruel embarras, voilà quelque vingt ans. Maître Pol se portait bien, alors ! Jésus-Marie ! quel couple d’étourdis ! et comme le temps passe, ma pauvre Éliane ! Il me semble que je te parle d’hier ! Voici pourquoi j’allais te renvoyer notre fillette : elle a été la cause, bien innocente,

  1. Je suis bien forcé de remercier ici les nombreux et bienveillants puristes qui m’ont écrit pour me signaler cette faute de français : « l’interrompit-il ». Pour ne pas leur donner le trouble de consulter la Grammaire générale ou un dictionnaire, je leur rappellerai qu’interrompre est un verbe actif qui se dit des personnes et des choses. On interrompt une dame, ce qui est impoli, et aussi un discours, ce qui est quelquefois excusable. P. F.