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— Je fus punie de ma résistance. Avant même de mettre au monde la pauvre enfant pour laquelle je combats aujourd’hui, je perdis mon fils, l’amour chéri de son père qu’on arracha une nuit de son berceau, et que j’ai cru mort pendant quinze années.

— Vous soupçonnez le conseiller de Saint-Venant de ce rapt ? interrogea Mazarin.

— Ce n’est pas un soupçon, c’est une certitude. Monsieur le cardinal, le jour où vous m’avez trouvée au château de Rivière-le-Duc, j’avais de la joie plein le cœur : je venais d’apprendre que mon fils existait…

— Et cela vous rendit miséricordieuse, madame ! dit Anne avec sécheresse. Je n’avais pas besoin qu’on réveillât ce souvenir.

— Oh ! madame ! s’écria la comtesse les larmes aux yeux, ce n’est pas pour Votre Majesté que je parlais. Une mère ne pense qu’à son fils !

La reine dit avec une dignité vraie :

— Vous avez raison, madame, et j’ai tort.

— L’homme qui avait enlevé l’héritier de Pardaillan, reprit Éliane, un aventurier qui porte maintenant le nom de Chantereine, me vendit le secret de mes persécuteurs. Je vis ce jour-là même mon fils, un beau, un noble jeune homme.

— Et qui vous empêcha de le reconnaître ?

— Ils l’auraient tué ! répondit Éliane en frémissant. Ils le croient mort. Madame, j’ai pris beaucoup, j’ai trop pris déjà peut-être du temps précieux de Votre Majesté. Je sais où est mon fils, et il dépend de vous qu’il ait les baisers de sa mère. Ma fille, une enfant de seize ans, a dû être