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reine, dès le commencement de l’histoire. Je n’aime plus ceux que j’aimais, et je déteste toujours ceux que je haïssais.

— Il faut être prudente, ma douce souveraine, avait répondu le cardinal. Je suis comme vous : je n’ai pas plus de confiance dans les Politiques que dans les Importants, et M. de Chavigny ne vaut guère mieux que M. de Ohâteauneuf. Mais nous tiendrons, s’il plaît à Dieu, les uns par les autres. Ménagez M. d’Orléans ; laissons vivre la maison de Riohelieu pour garder en échec la maison de Condé. Les princes se balanceront : ils pèsent des poids semblables, et ne peuvent jamais être dans le même plateau.

Nous serons sauvés si nous avons de l’argent et du temps. Le temps nous regarde. Pour l’argent, nous avons M. d’Émery qui est avide et avare ; cela fait de bons surintendants, pourvu qu’on les presse de temps en temps comme des oranges. Aussitôt qu’ils sont vidés, ils éprouvent le besoin de se remplir. Accordons tout, pour le moment, à ceux qui font beaucoup de bruit ; rien n’est aisé comme de reprendre ; les déchus ont toujours tort. Et point de scrupules, s’il vous plaît, madame. Il y a deux consciences : l’une d’État, qu’il est permis d’accommoder à la nécessité des affaires, l’autre privée, dont on fait ce qu’on veut. Je ne suis bon à rien par moi-même, madame ; mais ma respectueuse passion m’élève et me transporte à ce point que je me sens capable de grandir même la grandeur de ma reine !

Ses yeux parlaient, plus éloquents que sa parole elle-même.