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d’être comte. Mais je vous le répète : gardez-vous de vous croire trop bien armé. Ne négligez aucune précaution. Souvenez-vous de ceci : vous luttez contre une femme qui est plus forte qu’un homme.

— Plus forte qu’un homme comme vous, mon camarade, murmura Gondrin, je ne dis pas.

Don Estéban eut un amer sourire et garda le silence.

— Avons-nous fini ? demanda Gondrin.

Don Estéban ne répondit point. Son front était plissé, son regard errait dans le vide.

— Si je me trompais, pourtant ! murmura-t-il.

Sa paupière se baissa.

Mais il se redressa bientôt de toute sa hauteur, disant :

— Lâche ! Lâche et fou ! J’ai vu, de mes yeux vu. L’épreuve est faite. L’arrêt doit être prononcé.

— L’ami, interrompit Gondrin en riant, parler tout seul n’est pas poli, excepté dans les tragédies.

— Ai-je parlé ! dit le More, qui tressaillit comme un homme éveillé en sursaut.

Il ajouta aussitôt :

— Nous avons presque fini, monsieur le baron, mais pas tout à fait. Il me reste à vous donner les moyens d’en terminer vite et bien : d’un seul coup. Nous vivons dans un temps où il faut mener la partie rondement quand on a, dans ses cartes, des atouts de la cour. La tourne change, vous savez, d’une minute à l’autre, et parmi le cercle de joueurs qui entourent le tapis vert de la Régence, il y a tel matois qui peut faire sau-