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— Vous vous faites attendre, monsieur le cardinal.

On allait sans doute ajouter quelque chose, mais M. de Mazarin, en s’effaçant, démasqua sa compagne, et la voix reprit :

— Jésus ! qui avons-nous là ?

— Ordre de la reine, répondit le cardinal.

Une seconde porte fut ouverte, qui laissa pénétrer les rayons de plusieurs bougies. La voix appartenait à une femme entre deux âges qui était en déshabillé de nuit. C’était la demoiselle Louison Loyson, ce garde du corps femelle que M. de Richelieu avait cru acheter autrefois très cher, mais qui ne s’était point vendue. Dieu sait qu’en sa vie elle avait dû ouvrir ainsi bien des portes.

Éliane et son compagnon traversèrent d’abord la chambre à coucher de Louison, austère comme un corps de garde, puis deux autres pièces : la troisième était la toilette de la reine.

La reine était dans son alcôve et déjà couchée. Le cardinal, introduit le premier, franchit la galerie et monta les deux degrés de l’estrade. La reine ne parla point ; mais, à la vue d’Éliane, son visage qui n’était plus de la première jeunesse, sous sa cornette de nuit, exprima un mécontentement maussade.

Le cardinal lui dit quelques mots à l’oreille. Elle secoua la tête et murmura :

— Je pense que personne n’a jamais pu nous taxer d’ingratitude. Madame d’Hautefort en use avec nous de pair à compagnon, vraiment : cela ne peut durer, le bien de l’État ne permet point ces choses. Madame, ajouta-t-elle en s’adressant