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enfant contrefait, qui le guettait d’un œil jaloux.

Plus loin, madame d’Hautefort s’entretenait avec MM. de Guise et de Vitry ; ce bon duc de Vendôme oubliait sa colique à contempler le triomphe de son fils, sur qui tous les regards étaient fixés ; car le héros de cette soirée n’était point du tout celui qui allait bientôt s’appeler le grand Condé, mais bien le futur roi des halles. On voyait en lui le favori nouveau, et lui-même en était persuadé plus que tous les autres. La marquise de Senecey lui faisait les doux yeux, Mademoiselle de Saint-Louis pronostiquait pour lui une carrière comparable à celle de Sully, et l’évêque de Beauvais, confesseur de la reine, mettait le comble à son triomphe en laissant percer une humeur jalouse.

La reine montrait à tous une figure souriante. Elle avait ici beaucoup d’intérêts divers à ménager. Il fallait amadouer les Condé et ménager le duc d’Orléans, tout en donnant satisfaction à la cabale. Anne d’Autriche n’avait peut-être pas l’esprit délié qu’il fallait pour débrouiller aisément les fils d’une intrigue politique, mais derrière elle, dans l’ombre, se tenait déjà, à l’insu de tous, le conseiller subtil qui désormais devait diriger sa vie.

Il était là, ce conseiller, et Dieu sait que personne ne faisait grand attention à lui, bien qu’il portât déjà la barrette de cardinal. C’était une créature de M. de Richelieu, un vaincu par conséquent, et c’est tout au plus si la cabale le tolérait en raison de l’humble posture qu’il avait su prendre.