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mon intendant se marie ! Le Cardinal en crèvera s’il veut de dépit, quand il saura que j’ai un intendant honnête homme !

« Bonne dame, s’interrompit-il en prenant à l’improviste le bras de la béguine, nous ouvrirons le bal. Je gage que vous savez encore comment on danse la courante, depuis le temps ? »

Dame Honorée poussa un cri d’horreur., Tous les officiers de Vendôme étaient maintenant réunis. Un large éclat de rire fit le tour de la chambre.

César-Monsieur parut flatté de cette approbation.

« Ventre-saint-gris ! dit-il pourtant, on ne rira peut-être pas de si bon cœur quand je vais avoir mon intendant honnête homme ! M. le grand prieur l’a voulu. Prenez-vous-en à ce coquin de cardinal ! Et faites bien attention à ceci : le jour s’en va tombant ; si la noce n’est pas prête dans deux heures, je chasse tout le monde. Maison nette, mort-diable ! Qu’on dresse ma toilette comme si c’était pour festoyer chez le roi ! »

Ce soir-là, le bruit courut dans Paris que ce pauvre M. de Vendôme était fou à lier. À vrai dire, cela n’étonna personne. On l’aimait, cependant, pour le bon sang qu’il avait dans les veines, et le populaire se rassemblait en foule aux alentours de l’hôtel de Mercœur, pour voir si le fils du roi Henri n’aurait point fantaisie de danser par les rues en chemise.

Danser par les rues en chemise était assurément une idée moins baroque que celle qu’on lui prêtait, d’avoir un intendant honnête homme !

Quoi qu’il en soit, M. de Vendôme resta en son hôtel, où il y eut une très-belle fête. L’officialité donna haut la main toutes les dispenses voulues, moyennant finance peut-être, et maître Pol épousa bel et bien sa petite Éliane, dans l’église neuve du couvent des Capucines, par-devant Henri de Gondi, archevêque de Paris, qui se prêta de la meilleure grâce à cette fantaisie du fils d’Henri IV.

Les témoins furent M. de Tavannes et ce brave Saint-Preuil, qui, depuis, fut mis à mort judiciairement par la jalousie de M. le maréchal de la Milleraye, neveu de Richelieu.

On dansa ; M. le grand prieur vint avec M. le duc de Roquelaure et goûta une notable quantité de vins anciens et nouveaux. La bonne dame Honorée de Pardaillan-Guezevern, forcée de trinquer avec de si grands personnages, car elle servait de mère à notre Éliane, se mit en gaieté, dit l’histoire, vers la fin du repas et chanta un couplet au dessert.

Ce coquin de Mitraille n’attendit pas si tard. Au rôti, il était couché sous la table.

Un peu après onze heures de nuit, les jeunes époux montèrent dans ce carrosse qui devait mener Éliane au couvent, et partirent pour le château de Vendôme où maître Pol devait faire sa résidence.

Quant à César-Monsieur, il se mit au lit avec une