Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il mit ses deux mains au devant de sa figure parce que le talon du page faisait un mouvement.

« Suis-je cause, reprit-il, si la sympathie m’entraînait vers vous ? La jeune fille est jolie, c’est vrai ; mais vous pouvez prétendre plus haut.

— Tais-toi, fit le page, ou je t’écrase !

— La belle avance, ami Guezevern ! quand vous m’aurez écrasé, et ce n’est pas bien difficile puisque je sors d’avoir les fièvres, vous ne saurez pas le résultat de commission que vous m’aviez donnée. »

En ce moment, maître Pol n’avait aucun souvenir d’avoir donné une commission quelconque à Renaud de Saint-Venant.

« Allons ! dit-il, choisi, Il faut que je m’occupe de mon mariage, et je n’ai pas trop de temps. La tête fendue ou le fouet ! pas de milieu.

— J’ai fait tout Paris, murmura Renaud, pour savoir où se vend ce fameux remède contre la colique. »

D’abord, maître Pol se mit à rire.

« Es-tu aussi sot que méchant ? grommela-t-il.

— Ni sot ni méchant, repartit Renaud. Je sais ou trouver le remède. »

Maître Pol comprit mieux cette fois, car il parut réfléchir.

« Or çà, mon ami Renaud, dit-il après un silence, te reconnais-tu vaincu ?

— Sans ressources, répondit Saint-Venant, qui essaya de sourire.

— Rends-toi donc, poursuivit le page.

— Je me rends.

— À merci ?

— À merci.

— Qu’offres-tu pour ta rançon ?

— Le remède.

— Je ne veux pas du remède. Combien as-tu dans ta bourse ?

— Peu de chose.

— Combien ?

— Six ou sept écus.

— Montre, » fit le page.

Saint-Venant obéit aussitôt et tira de ses chausses une bourse remarquablement plate.

Maître Pol la prit. Elle contenait un écu d’or, valant vingt livres tournois, plus deux piécettes d’argent.

« Où se vend le remède ? demanda le page.

— À l’enseigne du Mortier-d’Or, rue Aubry-le-Boucher, chez maître Barnabi, le drogueur de la reine-mère. »

Le page, qui jusque-là l’avait tenu en bride, le lâcha tout à fait.

« Monsieur le second écuyer de madame la duchesse, lui dit-il, je vous prends à rançon. Cette pièce d’or et ces deux piécettes d’argent représentent pour moi le décuple de votre valeur réelle : je fais donc une bonne affaire. En conséquence de cet excellent marché, non-seulement je vous permets de vivre et de con-