Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.





IV

DAME HONORÉE.


Renaud de Saint-Venant ayant prononcé ces paroles fort doucement et d’un air sucré qu’il avait, se retira. C’était un second écuyer très-prudent.

Dame Honorée de Pardaillan-Guezevern sortit au contraire de sa maison, l’œil indigné, la joue blême de colère. Elle ne dit rien, en passant, au dénonciateur. Elle traversa le jardin d’un pas ferme et roide comme celui d’une statue qui marcherait.

Il fallait que nos amoureux fussent bien occupés pour ne la point entendre. Ils ne l’entendirent point.

Elle les surprit tels qu’ils étaient : Éliane enlacée dans les bras de maître Pol. Son livre d’heures, massif et lourd, s’échappa de ses mains. Les graines de son chapelet s’entre-choquèrent et frémirent.

Ce fut la foudre qui tomba et sépara ces jeunes lèvres, prêtes à s’unir dans le premier baiser.

« Vous êtes tous deux des malfaiteurs ! décida du premier coup la bonne béguine ; des monstres ! des hérétiques ! »

Son courroux ne lui permît pas de trouver d’autres injures.

Éliane et maître Pol s’étaient levés tous deux et restaient anéantis.

« Ma tante !… » balbutia le page.

Puis il ajouta, sans avoir conscience de ce qu’il disait :

« La messe du matin est-elle donc déjà finie ?

— Ma marraine ! ma bonne marraine ! murmura la fillette, qui avait coutume de nommer ainsi sa protectrice.

— Taisez-vous tous deux ! ordonna dame Honorée, en s’asseyant sur le banc de granit à la place qu’ils venaient de quitter. Taisez-vous, libertin ! Taisez-vous, effrontée ! Je vous maudis des deux mains ! »

Cela lui fit du bien s’asseoir. Elle s’éventa avec son mouchoir et sembla se recueillir comme un juge qui va prononcer un arrêt sans appel.

« Madame ma tante, reprit le page d’un air contrit, voulez-vous que je vous aille chercher un verre d’eau avec un tantinet d’essence des quatre fleurs ?

— Taisez-vous, infâme ! répliqua la béguine. Tai-