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III

UN TÊTE-À-TÊTE.


Mais il faut ajouter que dame Honorée, qui avait un cœur d’or, aima Éliane le lendemain, bien mieux encore que la veille. Le surlendemain, elle était tout uniment folle de sa fille d’adoption, et cela ne fit qu’augmenter avec le temps. Plus on voyait cette petite Éliane, plus on la chérissait. Elle avait un charme latent qui lui gagnait toutes les âmes.

Dame Honorée de Pardaillan-Guezevern appartenait à une race méridionale entée sur souche bretonne, dont l’auteur était un cadet de Pardaillan-Montespan, qui s’était marié en Bretagne, au temps de la Ligue, avec l’unique héritière d’une branche de Guezevern.

Les Guezevern avaient tenu dès longtemps des offices nobles dans la maison des ducs de Mercœur. Ils étaient pauvres. Au contraire, le chef de la famille de Pardaillan, qui avait titre de comte, menait grand état dans le Rouergue, où il était rentré en possession des anciens domaines de sa famille. Maître Pol avait déjà mis l’épée à la main trois ou quatre fois à propos de cet opulent parent. Ses compagnons, en effet, voyant toujours sa bourse plate, avaient coutume de lui dire que si la moitié du Rouergue mourait en temps utile, et les trois quarts aussi de l’évêché de Quimper, il finirait par être riche, comte et podagre sur ses vieux jours.

Or, il y avait des moments où maître Pol n’entendait pas comme il faut la plaisanterie.

De fait, entre maître Pol et l’opulent héritage de son grand cousin, le comte de Pardaillan, il y avait, outre ses frères aînés, une liste fort nombreuse de Guezevern de Bretagne et de Pardaillan-Montespan du Rouergue. Il ne s’en faisait pas plus de mauvais sang pour cela.

Naturellement, dame Honorée donna plus d’attention que le page à l’histoire d’Éliane. Elle fit examiner par un héraut d’armes le médaillon portant écusson que la fillette avait au cou. Le héraut, rendit sur parchemin, une belle consultation, où l’écu était compendieusement décrit et blasonné de toutes pièces, et qui concluait en déclarant que vingt-neuf familles de noblesse, en France ou en Allemagne, avaient des armoiries presque semblables ; trente, en comptant la branche aînée de Pardaillan.