Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces porteurs aussi disparurent pour ne plus se montrer jamais, après que la boîte oblongue eut été introduite dans la chambre de M. le comte.

Puis la porte fut fermée à double tour aussitôt que la comtesse eut rejoint son mari.

Celui-ci, débarrassé de son vaste manteau et du chapeau à larges bords qui lui couvrait la figure, montra le sourire doux et discret du bon Renaud de Saint-Venant, ancien écuyer second de Mme la duchesse de Vendôme.

Il ne tremblait plus la fièvre, et n’avait point l’air, en vérité, de se porter trop mal.

Sans dire une parole, Mme Éliane fit un signe et ils se mirent tous deux en devoir d’ouvrir la boîte oblongue qui contenait un corps embaumé, dont les traits étaient cachés par un masque.

Nous savons que sous le masque il n’y avait plus de visage, mais bien une horrible mutilation.

Le mort fut retiré de son cercueil et porté dans un des deux lits qui meublaient l’alcôve. On tourna sa face vers la ruelle, et vous eussiez dit ainsi un homme endormi.

Mme Éliane souleva la couverture de l’autre lit et prononça d’une voix ferme :

« Tant que je vivrai, je n’aurai jamais d’autre couche. »

Puis, se tournant vers Saint-Venant qui cachait dans sa barbe blonde un sourire incrédule.

« Il est temps de vous retirer, ajouta-t-elle. Demain vous ferez votre entrée au grand jour en votre qualité d’ami de la maison, chargé de remplacer le maître malade — ou fou, prononça-t-elle plus bas, selon le conseil que va me porter cette dernière nuit de méditation. J’ai acheté pour mon fils la fortune et la puissance au prix de mon repos en cette vie, c’est certain, peut-être au prix de mon salut dans l’Éternité. Ce que j’ai payé si cher je le défendrai tant qu’il y aura une goutte de sang dans mes veines. Vous êtes mon complice, souvenez-vous de cette parole : Le secret que vous possédez vous fera riche ou vous tuera ! »

FIN DU PREMIER VOLUME.