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Il se prit à chercher tout autour de lui, oubliant, dans son trouble, que la lettre était dans sa main.

Quand il l’aperçut enfin, le rouge lui monta au visage et ses yeux s’allumèrent.

« Du calme ! fit-il. Ce trouble est un mauvais symptôme. Il faut jouer froidement ; la partie est dangereuse et je veux la gagner.

« C’est ici, ajouta-t-il en rompant un à un les fils de soie qui entouraient la missive d’Éliane, c’est ici la meilleure portion de l’héritage. »


La lettre sortit de l’enveloppe. Il baisa le papier et ses yeux se portèrent avidement sur l’écriture.

Son visage changea encore une fois.

Une stupéfaction profonde se peignit sur ses traits pendant qu’il parcourait les premières lignes.

« Il était temps ! fit-il d’une voix altérée. Comme tout marche ! »

Et il s’assit parce que ses jambes tremblaient sous lui.


Il dit encore :

« Si Guezevern avait eu ceci entre les mains… Je suis en veine, il me semble, et mon étoile commence à poindre au ciel ! Têtebleu ! si Guezevern avait pu deviner.

Tout en parlant, il lisait.


La lettre était ainsi conçue :

« Monsieur, mon cher époux,

« Je vous écris dans une maison mortuaire, au milieu des préparatifs de mon départ. J’ai bien des choses à vous dire, et le temps me presse si fort que je désespère de ne rien omettre.

« En premier lieu, M. le comte de Pardaillan, notre respectable oncle, est passé de vie à trépas ce jourd’hui mardi, à huit heures du matin, et vous êtes son légataire universel. »

« Par la messe ! gronda Saint-Venant, qui s’arrêta abasourdi, comment allons-nous sortir de tout ceci ?

« Merci de moi ! elle arrive ! s’interrompit-il, tandis que son regard curieux sautait plusieurs lignes. Elle sera ici ce soir ! Vais-je fuir ? vais-je l’attendre ?

« Sa fille ! s’interrompit-il encore, ébloui par les surprises qui le frappaient coup sur coup. Elle ! Éliane ! Elle serait la fille du comte de Pardaillan ! Ah ça ! je rêve ! Il y avait eu mariage ; mais voici bien une autre affaire : des faux !… Ce n’est pas en qualité de fille qu’elle hérite ; on a biaisé, et tous les actes qu’ils ont passés là-bas, au château de Pardaillan, sont entachés de faux ! Tous, depuis le premier jusqu’au dernier ! Elle l’avoue elle-même ; elle a signé là-bas pour son mari, lequel mari est mort à l’heure où nous sommes. Merci Dieu ! j’aime l’eau trouble, mais pas tant que cela ! Nous sommes dans un labyrinthe où Satan ne retrouverait pas sa route. Voyons ! j’aurai