le plus habile de l’univers ! Compte-moi mes trois cent mille livres, Guezevern, mon fils, et demande-moi ce que tu voudras, sauf pourtant une patenôtre en faveur du diable rouge ! »
Il eut un mélancolique sourire.
« Je lui aurais demandé, murmura-t-il, une place de dame d’honneur chez Mme la duchesse, pour ma bien-aimée Éliane ; une noble éducation pour mon fils, et pour moi une compagnie dans son régiment de Mercœur. »
Un profond soupir souleva la poitrine de maître Pol à ce dernier souhait.
« C’est bon ! fit-il, pourquoi penser à cela ? ce n’est pas une récompense qu’il me faut demander, c’est grâce et pitié. Je mourrai intendant, intendant infidèle…, et mon épée ne me servira qu’à trouer mon propre pourpoint ! »
Il se mit sur ses pieds assez bravement, mais tout à coup ses yeux s’emplirent de larmes.
« Mon fils ! s’écria-t-il en un élan de regret passionné, ma femme ! Est-ce donc bien vrai que je ne vous reverrai jamais !… jamais ! »
Il se dirigea vers l’armoire où était l’argent. Son pas chancelait comme s’il eût été ivre.
« Foi de Dieu ! protesta-t-il en se redressant avec un soudain orgueil, ce n’est pas crainte de la mort, au moins ! Depuis qu’il y a au monde des Guezevern, ils ont toujours su mourir en hommes de cœur ! »
« Mais Éliane, ma joie, mon trésor, mon amour chéri ! Maintenant que je vois mon bonheur de loin, il me semble que c’était le paradis. Jamais je n’aurais cru… Non ! sans le coup qui me frappe et que j’ai mérité, jamais je n’aurais su comme mon Éliane était bonne et belle, ni à quel point je l’aimais ! »
Dans l’armoire où était l’argent, il y avait tout ce qu’il fallait pour écrire.
Maître Pol y prit encre, plume et papier qu’il déposa sur la table ; mais au lieu de se mettre à écrire, il saisit sa tête à deux mains et retomba au plus profond de sa rêverie. La plume lui faisait peur.
Pour le rendre à lui-même, il fallut encore l’horloge de l’église neuve des Capucines, annonçant qu’une demi-heure avait passé.
Il écrivit alors de sa main lourde et malhabile une lettre qui lui arracha des sanglots.
Cette lettre était adressée à sa femme Éliane.
Il la ferma et la scella.
Ensuite, il adressa une seconde lettre à son maître, M. le duc de Vendôme.
Enfin, il en commença une troisième qui, dans sa pensée, devait aller à Renaud de Saint-Venant.
Mais, au bout de quelques lignes, il déchira le papier et en dispersa les morceaux.
« Je crois que Renaud n’est point un méchant compagnon, dit-il ; je ne le soupçonne pas d’avoir causé sciemment le grand désastre qui me tue ; mais je veux