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terne ; ses candides reflets affadiraient le regard ; elle ne repousserait point assez la teinte de la peau.

Mais cela prouve seulement que l’homme n’a su dérober que la moitié de la palette céleste. Chez Marie, c’était un charme de plus : ses traits fins, mais hardiment modelés, apparaissaient suaves et comme voilés sous cette indécise auréole. Cela faisait l’effet de ce nuage mystique, aux rayons naïvement adoucis, que les peintres du moyen-âge donnaient pour ornement au front divin de la Mère de Dieu.

Marie était sauvage comme son père. Lorsqu’elle ne restait point dans la loge, occupée à tresser des paniers de chèvrefeuille que Pelo Rouan vendait aux foires de Saint-Aubin-du-Cormier, Marie errait, seule et rêveuse, dans les sentiers perdus de la forêt.

Souvent le voyageur s’arrêtait pour écouter une voix pure, et semblable à la voix des anges, qui chantait la complainte d’Arthur de Bretagne, dont nous avons parlé dans la première partie de ce récit. Ceux qui se souvenaient du pauvre Jean Blanc songeaient à lui en entendant son refrain favori ; la plupart savouraient la musique sans évoquer la mémoire de l’albinos, car bien d’autres que lui répétaient ce refrain qui berce les enfants dans toutes les loges du pays de Rennes.

Du reste, on entendait toujours Marie comme on écoute le rossignol, sans la voir. Dès qu’elle apercevait un étranger, son instinct de timidité farouche la portait à fuir. On voyait le taillis s’agiter comme au passage d’un faon, puis plus rien. Marie était alerte et vive. On eût couru longtemps pour l’atteindre.