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elles reprirent leurs sens, parce que la scène promettait d’être curieuse.

— Qui êtes-vous ? demanda le régent après le premier moment de silence.

— Je suis Nicolas Treml de la Tremlays, seigneur de Boüexis-en-Forêt, répondit le nouveau venu.

— Et que voulez-vous ?

— Me battre en combat singulier contre le régent de France !

Ces étranges paroles furent prononcées d’un ton grave et ferme, exempt de toute fanfaronnade.

Les courtisans se regardèrent. Un muet sourire vint à leurs lèvres. Les dames étaient puissamment intéressées : elles contemplaient cela comme on suit une représentation dramatique.

C’était en effet un spectacle singulier et fait pour étonner que ces deux hommes, débris d’un autre siècle, mais débris vigoureux, menaçants, intrépides, au milieu de ces visages fardés, que ces longues épées à garde de fer parmi ces rapières de parade, — que ces pourpoints de gros drap, sans rubans ni broderies, au milieu de tout cet or et de tout ce velours.

On eût dit que la Bretagne du XVe siècle sortait du tombeau et venait demander raison de la conquête aux arrière-neveux des conquérants.

Philippe d’Orléans avait senti d’abord un mouvement d’inquiétude, mais dix gentilshommes le séparaient maintenant du vieux Breton. Il oublia sa passagère frayeur.

— Ce bonhomme est fou, dit-il en riant ; il fera peur à nos dames. Qu’on le chasse !