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Le voyage fut long. Ils virent d’abord Laval, ancien fief de La Trémoille ; Mayenne, qui donna son nom au plus gros des ligueurs ; Alençon, qui fut l’apanage des fils de France.

Dans chacune de ces villes ils s’arrêtaient le temps de faire reposer leurs chevaux. Puis ils repartaient en hâte.

— Où allons-nous ? se demandait parfois Jude Leker.

Mais il ne faisait point cette question tout haut. S’il plaisait à Nicolas Treml de taire le but de ce voyage, ce n’était point à lui, Jude, qu’il appartenait de surprendre ce secret.

Son incertitude ne devait pas durer longtemps désormais. Ils traversèrent Mortagne, puis Verneuil, puis Dreux, et, le matin du sixième jour, ils franchirent la grille dorée du parc de Versailles.

Versailles était abandonné déjà, mais ses blancs perrons de marbre avaient encore le brillant éclat des jours de sa gloire.

Statues, colonnades, urnes antiques et riches frontons gardaient leur splendeur du dernier règne. Il y avait si peu de temps que durait le veuvage de la cité royale ! Le sable des allées ne conservait-il pas encore les traces des mules de satin et des hauts talons vermillonnés ?

N’y avait-il pas encore des fleurs dans les vases, des strophes gravées sur l’écorce des arbres, des jets de cristal dans la bouche souriante des naïades de bronze ?

Hélas ! le veuvage a continué trop longtemps ; les fleurs se sont flétries ; bronzes et marbres ont pris l’aus-